Les 24 et 25 juillet 1982, l’ensemble Organum chantait ses deux premiers concerts, à la Chartreuse de Villeneuve lès Avignon, et à l’abbaye de Sénanque. Trente ans plus tard, l’aventure initiée au cœur de centres culturels parmi les plus féconds des années 70 et 80 continue à se diffuser au travers du parcours de l’ensemble Organum, et quelques lueurs de ces temps et de ces lieux rayonnent aujourd’hui sur l’Abbaye de Moissac.

Pour célébrer ce cheminement qui conduisit Organum de Sénanque à Moissac, nous avons choisi de raviver la mémoire de ce que fut Sénanque entre 1970 et 1988, son centre culturel créé par Paul Berliet, son directeur, Emmanuel Muheim, qui organisa les deux premiers concerts d’Organum. Sous son impulsion, Sénanque fut le lieu de rencontres entre artistes, philosophes, psychanalystes, théologiens, historiens des sociétés, de l’art, du cinéma. Les musiques anciennes et extra européennes résonnèrent à Sénanque dès le début des années 70, et beaucoup de musiciens qui aujourd’hui ont leur place au Panthéon des musiques anciennes, séjournèrent ou se produisirent régulièrement à Sénanque au tout début de leur carrière : Alfred Deller, René Clemencic, William Christie, Jordi Savall, Esther Lamandier, David Hykes, Kudsi Erguner. 

Emmanuel Muheim était aussi un poète. Il composa la presque totalité de son œuvre pendant le long séjour qu’il fit à Sénanque. Nous ferons résonner sa poésie au cours de la nuit du samedi 14 avril dans l’église abbatiale de Moissac. Ses poèmes seront ponctués par un dialogue entre le petit orgue roman - inauguré à Sénanque en 1982 et installé à Moissac en 2002 – joué par Marcel Pérès, un organetto du XIVe siècle, joué par Guillermo Pérez et  le ney (flûte turque) de Kudsi Erguner, grand musicien soufi qui résida souvent à Sénanque.
Cet événement sera précédé, le vendredi 13 avril à 21h en l’abbatiale, par un concert de l’ensemble Organum qui portera à la lumière du jour le chant poétique moissagais du XIe s, comme chaque année depuis quatre ans et pour longtemps. Ainsi, à mille ans de distance nous explorerons simultanément la parole produite dans les milieux monastiques des XIe et XIIe siècles et la parole jaillie au cœur de l’abbaye de Sénanque dans les années 70 et 80 du vingtième siècle.

Les harmonies invisibles concernent également les liens qui unissent le petit orgue roman et les orgues gothiques pour lesquels nous accueillons à Moissac deux des personnalités les plus actives à raviver la mémoire de ces instruments fascinants.

 Walter Chinaglia construit avec la plus grande méticulosité des orgues de la fin du Moyen Age et il vient à Moissac nous présenter le prototype d’un instrument fabuleux reconstruit d’après un croquis réalisé par Leonardo da Vinci dans un de ses cahiers personnels. Guillermo Pérez, qui dirige pour la deuxième année un cycle de formation sur les orgues gothiques, présentera dimanche 15 avril à 15h30 à l’abbatiale, un concert réalisé par les étudiants qui ont suivis les différentes sessions.

Ces Diagonales de Printemps, avec l’hommage rendu à Emmanuel Muheim, seront le prélude des Diagonales d’été pendant lesquelles nous présenterons les grands monuments de la musique médiévale dont la réactualisation ponctua le parcours de l’ensemble Organum et son rayonnement pédagogique qui, depuis onze ans, illustre notre présence à Moissac où plus de 800 étudiants sont déjà venus, d’horizons culturels et géographiques très variés, suivre nos sessions. 

Cette année 2012 sera aussi l’occasion - au delà d’un simple anniversaire de la création de l’ensemble Organum - de réfléchir sur ce que furent les politiques culturelles dans les années 70-80, ce qu’elles sont aujourd’hui. On essaiera d’évoquer quel pourrait être l’avenir des initiatives qui jaillissent du monde de la pensée et de l’art et comment les décliner à l’aune des enjeux et des contraintes sociales, économiques, politiques et humaines de demain. Deux journées de rencontres et de réflexion sur ces thématiques, concluront les Diagonales d’été,  les 26 et 27 juillet.